Alors comme cela tout ceci était un canular ! On peut dire qu'il a fonctionné. Rappel des faits. Vendredi 21 mars 2013, Carambar annonce à coup de communiqués de presse et de publicités la fin de sa marque de fabrique : la petite blague imprimée au verso de son papier d'emballage. Celle-ci sera remplacée par des devinettes ludo-éducatives sous prétexte que l’on apprend mieux en mangeant (Ah bon ?)
Stupéfaction quasi-généralisée. Télévisions, radios et internet relayent l’information et boudent l’initiative. Et pourquoi ne pas supprimer les surprises des œufs Kinder ou le jouet des paquets de Bonux ?
Trois jours plus tard fin de la supercherie et « Reveal » comme on dit dans la Com. : la fin des blagues; #CETAITUNEBLAGUE avec une vidéo à l’appui.
But de l’opération : donner un coup de fouet à la marque. On peut dire que cela a fonctionné. Carambar s’est offert un plan média qui a fait le grand écart entre réseau Sociaux et journaux de 20H et le tout pour un investissement sans comme une mesure par rapport l’exposition médiatique de la petite barre caramélisée.
Du Buzz et des réactions
Si certains observateurs ont trouvé le principe pertinent, créatif et astucieux (French Web "Un point de vue différent sur l’opération Carambar"), la vaste majorité a jugée sévèrement le principe en le qualifiant de contreproductif, honteux voir dangereux.
Que cela soit le journaliste qui se sent manipuler (Le Dauphiné Libéré « Carambar, blague à part »), l’expert marketing qui auraient trouvé cela pertinent si ils avaient eu l’idée lui-même (La Tribune : « Carambar : les blagues les meilleures ... sont les plus courtes » ou No Brain No Headache « Carambar, simple pétage de plomb ou réel suicide relationnel ? ») ou, mix des deux, le journaliste/expert qui du haut de son siège d’accesseur menace l’entreprise d’un retour de bâton qui pour le coup lui ne sera pas en caramel mou (David Abiker «Le Nom et l'adresse»)
Mais que reproche-t-on concrètement à cette opération ?
Si on fait l’impasse sur le sempiternel écueil des magnas de l’agro-alimentaire qui ne rêvent que de profits en ruinant notre santé, les principaux griefs sont :
- d’avoir trompé la confiance des consommateurs;
- de créer une autoroute où vont s’immiscer les annonceurs en mal de buzz dans les prochaines semaines sur le mode « vous avez vu Carambar, je veux la même chose pour mes Crackers ! »;
- Mais surtout d’avoir profiter de la crédulité des journalistes et des médias à des fins bassement mercantiles et que ceux-ci pourraient bien se venger le moment opportun venu (fermeture d’usine, grève);
Un modus operanti bien rodé
Pourtant ce n'est pas la première fois que des marques usent de ce stratagème pour ce payer un moment d’exposition à moindre frais.
Revenons par exemple sur le cas Bescherelle. En 2008 les Editions Hatier fabriquent de toutes pièces « Marie Myrtille », une chanteuse un poil fâchée avec les accords et la conjugaison. Son tube « Faisez-moi l’amour » fait les beaux jours d’internet via sa page MySpace. Repéré par Benoît Gallerey expert internet de LCI, Marie Myrtille connait son apogée médiatique lors d’un passage sur la chaine info. Comme l’avouera le journaliste, même si il ne savait pas si il fallait la prendre au premier ou second degré la chaine a quand même décidé de l’exposer et donc de devenir acteur à part entière de la communication d’Hatier. Une interview en amenant une autre, c’est lors d’un passage chez NRJ, que la chanteuse à révéler le pot aux roses. Hilarité générale, créativité saluée, opération gagnée.
Autre exemple en 2005 une mystérieuse société Transatlantys promet de relier Paris New-York en train et ceux grâce à un tunnel sous l’Atlantique. Un site internet, des affiches dans les couloirs du métro et des centaines d’articles sur le projet (et sa véracité) plus tard, on découvre que tout cela n’était qu’un vaste canular orchestré par voyage-sncf.com. La société voulant se positionner comme un voyagiste généraliste et non pas comme un simple vendeur de billets de trains. Rigolade nationale, idée géniale, effet durable.
Deux poids deux mesures ?
Dans ces deux cas la grande différence avec Carambar, c’est que les « créateurs et diffuseurs de contenu » (journalistes, experts, relais d’information…) n’ont pas été utilisés comme un rouage de l’opération via un Communique de Presse. Ils ont pour le coup fait la première moitié de leur métier : relayer une actualité ou un événement mais qui existent et prolifèrent déjà sans eux.
Dans l’affaire Carambar ce sont les médias qui ont bêtement relayé et donné de la visibilité à une opération de communication. Et en faisant cela ils ont montré qu’ils ne faisaient pas correctement la seconde moitié de leur métier : vérifier une info et se poser des questions de bon sens avant la diffusion.
Certains signes du canular étaient pourtant visibles : citer une étude affirmant qu’on « apprend mieux en mangeant » sans donner de détails (source), ou la proximité du 1er avril.
En parlant de 1er avril, vous remarquerez par contre que ce jour-là pas de limite dans la désinformation. D’ailleurs de jour-là les média en sont soit à l’origine soit les complices implicites. Mais après tout c’est le 1er avril.
Ainsi on peut faire des blagues mais surtout pas au détriment des médias. Qu’ils sourcent ou relayent une bonne blague, passe encore. En être le bras armé ça non ! On ne joue pas avec les Communiqués de Presse.
Mais finalement n’est-ce pas un peu l’arroseur arrosé ? Ces mêmes chevaliers blancs qui participent à l’ (des)information en relayant des émissions scénarisées, des documentaires bidonnés, des shows fictionnés, des témoins recyclés, des promesses de lessives qui lavent toujours plus blanc, n’est pas les mêmes qui lorsqu’ils deviennent le dindon de la farce crient au crime de lèse-majesté ? Nous exposer à des contenus qu’ils qualifieraient eux même d’indigne cela est tout à fait normal, mais en aucun cas ils ne doivent se retrouver en position de les ingurgiter. Et si cela devait être le cas : cartons rouges. En l’occurrence celui-ci était Jaune, Rouge et Blanc.